« Vous me mettrez bien un peu d’I.A., un peu d’Intelligence Artificielle dans votre pitch ! La valeur de votre startup n’en sera que plus élevée ». Eh oui, l’IA ou entendez Intelligence Artificielle, est plus que jamais une des expressions à la mode dans bon nombre des pitchs startups, meetups de la Silicon Valley, conversation ou rencontre entre Geeks dans l’une des places branchées de University Avenue de Palo Alto.
Et pour cause, nous nous sommes définis en tant qu’« Homo Sapiens », l’Homme sage, tant notre intelligence est importante pour nous. Depuis plusieurs siècles, notre espèce n’a cessé de tenter de comprendre comment nous pensons, percevons, comprenons, anticipons ou encore manipulons notre environnement si large et tellement plus complexe que nous ! L’Intelligence Artificielle (IA) se veut ainsi être le champ d’action où l’être humain ne se limitera pas au simple fait de comprendre son intelligence, mais pourra s’initier à la construction d’une entité intelligente, d’une Intelligence Artificielle.
Ce terme ou domaine au goût du jour ne désemplit pas et bon nombre de personnes l’utilisent pour tout et son contraire. Le recrutement de Ray Kurzweil par Google, de Yann LeCun par Facebook ou encore les annonces hebdomadaires d’IBM autour de Watson ne font qu’amplifier la force du signal et la nécessité d’en comprendre toute la subtilité afin de ne pas se faire dépasser ou de simplement passer à côté de l’opportunité, preuve étant faite par cet article qui lui ait dédié ! Allons alors au bout de la démarche !
Initialement publié dans Programmez! (n°173) Mars 2014, le magazine du développeur.
Intelligence Artificielle, de quoi parlons-nous !
Les pieds bien fixés au sol, définissez-moi le terme IA dans vos propres mots. Allez-y, faites l’exercice en silence ou lancez simplement le débat lors de la prochaine pause-café avec vos collègues Geeks !
Eh oui, pas si simple de trouver un consensus ou de définir clairement ce qui se cache derrière l’Intelligence Artificielle et pourtant ce terme nous semble tellement familier grâce à Asimov et ses héritiers hollywoodiens.
Ainsi je dois vous avouer que me rompre à l’exercice après toutes ces années de passion pour l’Intelligence Artificielle est bien complexe voire impossible, peut-être est-ce la voix de la raison ou de la sagesse au regard des années d’investigations cumulées à explorer seulement quelques-unes de ses facettes que peuvent être les agents intelligents, le traitement du langage naturel, les systèmes experts, l’intelligence sociale, la communication, la perception ou encore l’action autonome… et bien plus encore !
Retournons-nous vers l’une des références mondiales, directeur R&D Google à Mountain View, dont j’ai eu la chance de suivre les succulents enseignements sur le sujet : « Peter Norvig » et plus particulièrement son œuvre littéraire sur le domaine en binôme avec Stuart J. Russel : « Artificial Intelligence – a modern approach 3rd Edition ».
Livre (ou brique) que je ne peux que chaudement vous recommander pour votre bibliothèque de Geek voire en livre de chevet ce qui est mon cas ! Ainsi, l’intelligence artificielle peut être approchée sur 4 facettes dominantes :
- Les systèmes pensant comme des êtres humains
En clair les sciences cognitives ou l’approche cognitive par extrapolation de modèles de pensées de l’être humain.
Adhérer à cette démarche est tout aussi intéressant qu’intrigant, car elle vous demandera une étape anthropomorphique préalable à toute mise en œuvre.
La compréhension de l’être humain et de son modèle de pensées est au centre des recherches expérimentales de toute programmation d’une Intelligence Artificielle de ce type. Lemme nécessaire pour ensuite évaluer ses similarités avec le raisonnement humain.
Cette première facette de l’IA est très certainement l’une des plus fascinantes tant le spectre des possibles, à l’image de la pensée humaine, est sans limite !
- Les systèmes qui agissent comme des êtres humains
C’est ici que nous retrouvons le fameux « test de Turing » considérant une machine comme intelligente si elle peut converser de telle manière que les personnes humaines ne puissent la distinguer d’un de leurs congénères.
Cette facette couvre les disciplines :
- Le natural language processing permettant une communication linguistique avec le système.
- La représentation de connaissance permettant le stockage des informations à utiliser par le système pour répondre à l’utilisateur, exemple dbpedia.
- Le raisonnement automatique permettant l’utilisation des informations stockées pour répondre aux questions posées par l’utilisateur ainsi que créer de nouvelles connexions.
- Le machine learning permettant au système de s’adapter aux nouvelles circonstances ou détecter et extrapoler les nouveaux patterns.
À ces 4 premières disciplines, n’apportant pas de couvertures aux interactions physiques entre l’individu et la machine, Peter Norvig et Suart Russel proposent d’en ajouter deux que sont :
- La vision digitale permettant la perception d’objets
- La robotique permettant alors de les bouger.
- Les systèmes qui pensent rationnellement
Inspirée du philosophe grec Aristote qui fut l’un des tout premiers à tenter de « codifier la pensée » et à l’origine des processus de raisonnement proposant des patterns de réflexions logiques en vue d’aboutir à un maximum de réponses correctes (exemple : vous êtes un Geek, les Geeks adorent les derniers gadgets high-tech, vous adorez les derniers gadgets high-tech ;p simple !).
Cette troisième facette aborde la compréhension d’agents (entités d’actions venant du latin agere, agir ou opérer) ou systèmes devant raisonner de manière logique ou rationnelle. Cette approche est très régulièrement contre-versée de par son incapacité à couvrir certaines capacités de l’être humain, comme la perception, difficilement exprimable en logique ou algorithmes.
À cette première limite de représentation algorithmique s’ajoute celle relative aux technologies ne permettant pas encore réellement de réaliser les traitements et calculs nécessaires afin de couvrir la majorité de cette facette.
- Les systèmes qui agissent rationnellement
Cette dernière facette peut-être présentée comme celle de l’agent rationnel, l’agent ayant à charge d’agir en conséquence afin d’atteindre le meilleur résultat, ou en environnement incertain, le meilleur résultat espéré.
L’agent ayant la faculté de s’adapter (d’être polymorphe) afin de satisfaire au mieux ses objectifs.
La mise en œuvre des disciplines présentées en seconde facette, et plus particulièrement la représentation de connaissance ou le raisonnement, permet à des agents rationnels de prendre les bonnes décisions.
Par exemple, la capacité d’intégrer un certain formalisme de phrases en langage naturel par machine learning d’un historique de dialogues afin de générer des comportements effectifs de réponses d’un agent en est une résultante. Vous y retrouvez les composantes ou disciplines de systèmes agissant comme des êtres humains avec de nombreuses capacités d’extension ou d’apprentissage pour l’agent afin de l’optimiser dans sa conduite d’atteinte du ou des objectifs de manière rationnelle.
Cette facette présente deux avantages majeurs à ces congénères que sont la minimisation de l’inférence qui devient dans ce cas précis un mécanisme pour atteindre la rationalité ainsi que la mise en exergue d’une démarche plus mathématique qu’une démarche comportementale de l’être humain.
Je ne pourrais que difficilement vous cacher que cette dernière facette correspond aux évènements et pratiques mises en œuvre au sein de la Silicon Valley ainsi que la vision de l’Intelligence Artificielle partagée au sein de l’équipe xBrainSoft sachant que nous n’hésitons pas de temps à autre à revenir passer quelques instants dans les autres facettes en quête d’inspiration disruptive.
À la fin de la journée, le passage en revue de ces facettes nous clarifie les périmètres, mais ne nous fait pas émerger définitivement une définition claire et précise de l’Intelligence Artificielle et pour cause, l’accumulation d’expériences dans ce domaine force le respect et l’humilité tant sur sa description formelle que sur son objectif ultime. Penchons-nous quelques instants sur l’histoire de l’IA qui peut-être ajoutera sa pierre à l’édifice ?
Il était une fois l’Intelligence Artificielle (I.A.) !
Nous pourrions démarrer la découverte de l’histoire de l’IA et de ses périodes d’incubation successives depuis Aristote (384-322 BC) qui était le premier à formuler des lois permettant de rationnellement régir une partie des raisonnements humains, fondement de certaines facettes de l’être humain.
Cette ligne du temps de l’IA est merveilleuse à comprendre tant elle reflète ce que nous sommes au plus profond de notre Être. Je vous encourage à parcourir les informations disponibles au sein du livre de Norvig ou encore sur les nombreux sites internet synthétisant pour certains ces étapes.
- 1943-1955 : Gestation de l’IA avec les travaux de McCulloch, Pins, Pitts et Hebb autour des modèles de neurones artificiels ou encore Minsky et Edmonds avec le premier réseau de neurones. C’est ici que Turing publie son article introduisant le « Test de Turing ».
- 1956 : Naissance de l’IA avec l’apparition des fondements de celle-ci grâce à McCarthy qui avait convaincu 10 des meilleurs scientifiques du domaine à se réunir durant 2 mois.
- 1952-1973 : Premiers succès, premières déceptions avec l’apparition de nombreux programmes comme le Logic Theorist de Newell et Simon ou encore leur General Problem Solver permettant de résoudre des puzzles simples, la naissance du langage de programmation de haut niveau Lisp par McCarthy au sein du MIT Lab ou encore du programme ANALOGY par Tom Evans et la démarche vers le sens commun. Mais c’est aussi sur un second temps une période de déception par pêché d’optimisme avec le cinglant rapport de Lighthill en 1973 qui stoppa net la quasi-totalité des projets d’IA en Grande-Bretagne.
John Mc Carthy,inventeur du LISP(langage de programmation pour ordinateurs). http://www.computerhistory.org/fellowawards/hall/bios/John,McCarthy/
- 1969-1979 : Émergence des systèmes experts comme DENDRAL ou MYCIN basé des grands nombres de règles heuristiques.
- 1980— présent : l’industrie et l’IA, les réseaux neuronaux – épisode 2 avec des effets d’économies d’échelle pour les industries essentiellement Américaines et Japonaises, mais aussi la mise en œuvre de la règle de « Back-Propagation » donnant naissance à l’apprentissage automatique, aujourd’hui l’un des domaines les plus actifs de l’IA.
- 1987— présent : l’IA en tant que Science avec l’avènement des HMMs (Hidden Markov Models) ; du Data Mining et du Bayesian Network.
- 1995— présent : Les Agents Intelligents et la définition de l’AGI (Artificial General Intelligence) tentant de définir un algorithme universel d’apprentissage et d’action en tout environnement. Ainsi que le concept d’une AI amicale.
- 2001— présent : l’avènement du Big Data permettant l’enrichissement des modèles par extraction de patterns via machine learning.
Retenons ainsi ces quelques dates clés afin de comprendre à quel point l’IA n’est pas un sujet neuf et à quel point elle a déjà fait couler beaucoup d’encre, créé des succès, mais aussi des mécontentements d’où l’intérêt de clarifier ou limiter sa médiatisation afin d’éviter trop de déceptions.
IA pour qui, pour quoi ?
Comme vous l’aurez compris, l’IA est un domaine vaste, très vaste et ses applications en sont tout autant. Nous ne pourrons pas parcourir l’intégralité des métiers pouvant contribuer et/ou exploiter l’intelligence artificielle, en voici quelques-uns : traitement du langage naturel pour la détection d’humeur, la robotique, l’aviation, détection de fraude e-commerce, les jeux, la traduction automatique, la médecine, la finance ou encore la logistique.
À ces domaines d’applications, nous pourrons également ajouter des facettes complémentaires ou sous-facettes non parcourues préalablement comme :
- L’intelligence sociale ou l’affective computing
- L’ontologie
- La programmation génétique
- L’épistémologie
- … et bien d’autres encore que je vous laisserai découvrir par vous-même.
L’élément intéressant dans l’ensemble de ces exemples est qu’il est rare de voir plus de 3 ou 4 compétences ou disciplines comme par exemple le langage naturel, le machine learning de l’Intelligence Artificielle exploitée en même temps, la robotique ou les Assistants Personnels sont peut-être parmi les plus complets.
Conclusion
L’Intelligence Artificielle force l’humilité et le respect, peut-être n’avons-nous pas encore compris l’amplitude des enjeux réels ou l’objectif final ? Et si la création d’IA ou plus particulièrement d’une IA générale était notre Tâche avec un T majuscule, travail non pas de l’individu unitaire, mais de l’humanité afin de permettre à notre hôte stellaire et son intelligence naturelle de se répandre au-delà de ses simples frontières et contraintes physiques qui l’en empêchent ?
La conquête de l’espace et de l’univers passerait ainsi par l’intelligence représentante de notre espèce et sa distribution le sera par l’intermédiaire de l’Intelligence Artificielle, engendrant ainsi la mise en œuvre et l’exécution d’une Supply Chain de l’intelligence !
Liens et références :
- http://aima.cs.berkeley.edu
- http://norvig.com/
- http://www-formal.stanford.edu/jmc/whatisai/whatisai.html
- http://en.wikipedia.org/wiki/Artificial_intelligence
- http://aihub.net
- http://www.artificialbrains.com/
- https://ai.stanford.edu
- http://www.csail.mit.edu/
- http://en.wikipedia.org/wiki/John_McCarthy_(computer_scientist)
- http://www-formal.stanford.edu/jmc
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